Publié le : 06 juillet 20206 mins de lecture

Certains travailleurs sont exclus des dispositions relatives à la durée du travail. L’octroi d’une rémunération pour prestations supplémentaires doit être examiné au cas par cas.

Cela fait 45 ans qu’un arrêté royal établit une liste de personnes investies d’un poste de direction ou de confiance. Cette liste est exhaustive. Elle vise : directeurs ; secrétaires particuliers ; gérants ; chefs d’atelier ; personnes pouvant, sous leur responsabilité, engager l’entreprise vis-à-vis des tiers ; chefs d’écurie ; contestataires, etc.

Un arrêté archaïque

Cette liste est devenue obsolète. Elle n’a jamais été adaptée à l’évolution de la vie de l’entreprise. Les cours et tribunaux doivent dès lors faire preuve de créativité afin de coller au mieux aux réalités du moment. Certaines juridictions raisonnent par similitude. Par exemple, le secrétaire de direction correspond au secrétaire particulier. Peu importe la dénomination de la fonction, d’autres partent du principe que sont visées toutes les personnes investies d’un poste de direction ou de confiance. Une actualisation de l’arrêté royal du 10 février 1965 sur base de l’évolution de la jurisprudence est d’actualité. La ministre de l’Emploi attend pour fin octobre 2010 des propositions des partenaires sociaux.

La loi est claire. Les travailleurs relevant de l’arrêté royal de 1965 peuvent prester des heures supplémentaires. Par contre, la loi est muette sur la question de savoir si ces heures doivent être rémunérées et, si oui, comment ?

Preuve

Le travailleur qui souhaite obtenir le paiement d’heures supplémentaires doit apporter la preuve de leur existence. Elle peut être établie par des écrits (documents d’époque, feuilles de pointage, relevés contradictoires) ou par tout autre moyen. La jurisprudence a parfois égard au comportement du travailleur. Ainsi, la demande du travailleur qui consiste à réclamer tout à coup le paiement d’un nombre important d’heures supplémentaires couvrant plusieurs années, alors qu’il n’en a jamais fait état précédemment, est prise avec précaution. Cela est d’autant plus vrai lorsque la preuve est apportée à l’aide de quelques attestations tout à fait partielles et insuffisantes, et que le travailleur ne semble pas avoir été animé d’une crainte particulière dans ses relations avec l’employeur. La même méfiance est de mise à l’encontre de prestations complémentaires qui ont été accomplies contre la volonté exprimée de l’employeur.

Paiement

Une fois établie la preuve de la prestation d’heures supplémentaires, se pose la question de leur paiement. Trois tendances divisent la jurisprudence. La première, minoritaire, estime qu’aucune rémunération n’est due en cas de dépassement de l’horaire normal. La seconde, majoritaire, considère que le travailleur peut obtenir le paiement de sa rémunération normale, sans les suppléments légaux, à condition qu’il puisse invoquer une autre source de droit qui peut être le contrat de travail (fixation d’un horaire précis avec une limite hebdomadaire), l’usage (paiement habituel dans l’entreprise de ces heures) ou l’équité (caractère modeste de la rémunération). Enfin, la troisième tendance estime que le travailleur a droit à sa rémunération avec le sursalaire prévu pour les heures supplémentaires. Cette dernière est très minoritaire. Elle s’écarte de la loi qui stipule clairement que le paiement d’un sursalaire est inapplicable aux personnes investies d’un poste de direction ou de confiance.

Cas pratique et jurisprudence

La Cour du travail de Mons, le 2 juin 2006, s’est prononcée sur les faits suivants…

Monsieur X exerce la fonction d’ingénieur. Il est engagé en août 1998 avec un salaire de base de 2.650 €. Le contrat de travail ne comporte aucune disposition relative à un horaire de travail (les parties ont biffé les dispositions relatives à la durée du travail). Le travailleur est licencié et réclame le paiement de 300 heures supplémentaires. Il est débouté devant le tribunal du travail. Le juge considère qu’il exerce un poste de direction et de confiance et qu’à ce titre, sa rémunération est censée couvrir la prestation d’éventuelles heures supplémentaires (tendance n° 1 de la jurisprudence : pas de rémunération, pas de sursalaires). Il interjette appel de la décision.

Un salaire simple

Dans son arrêt, la Cour du travail procède en trois temps. D’abord, elle analyse les fonctions. Monsieur X est-il une personne de confiance au sens de l’arrêté royal du 10/02/1965 ? Oui, sur base des indices suivants : niveau de la rémunération, biffure des dispositions relatives à l’horaire de travail, responsabilité d’un projet, rédaction d’une note interne où il donnait différentes instructions, ainsi que le fait que son prédécesseur (qualifié d’ingénieur junior) ait été repris comme cadre sur la liste des élections sociales.

En second lieu, la Cour examine la question des prestations supplémentaires. Les 300 heures supplémentaires ont-elles été réellement prestées ? Oui, et le travailleur en apporte suffisamment la preuve via un constat d’huissier, lequel constate l’existence d’un programme informatique de gestion du personnel où il est indéniable que le travailleur a bel et bien presté les 300 heures en question.

Enfin, la Cour du travail calcule la rémunération. Elle se rallie à la seconde tendance de la jurisprudence. Les travailleurs investis d’un poste de direction ou de confiance sont exclus des dispositions relatives à la durée du travail. Ils n’ont pas droit au paiement d’un sursalaire mais peuvent prétendre, en contrepartie du travail presté, au paiement du salaire normal.