Publié le : 06 juillet 20207 mins de lecture

L’écart de rémunération entre hommes et femmes est en moyenne de 18 % dans les pays de l’Union européenne. La Commission s’en inquiète et lance une campagne de sensibilisation. La Belgique est en dessous de cette moyenne.

« Combien tu gagnes ? » En voilà une question ! Et pour cause, en général, le salaire est un sujet tabou. Alors comment vérifier ce principe cher à l’Union européenne : « À travail égal, salaire égal » ? L’équation et sa vérification se compliquent davantage encore si on ajoute le genre. En effet, selon les études et malgré les efforts consentis en la matière, des écarts de salaires entre les hommes et les femmes persistent en Europe.
La différence moyenne entre le revenu horaire brut des femmes et celui des hommes au sein de l’Union européenne s’établit actuellement à 18 % mais présente des variations selon les pays et les secteurs. Parmi les bons élèves, on retrouve l’Italie, Malte, la Pologne, le Portugal, la Slovénie et la Belgique dont l’écart se situe en dessous des 10 %. Les moins bons élèves sont l’Estonie (30 %), l’Autriche (26 %), la Suède (24 %) ou encore les Pays-Bas (24 %).

Jobs peu qualifiés

Les causes de l’écart de rémunération sont multiples et souvent étroitement liées. Il peut s’agir de discrimination directe, même si les dispositions européennes et nationales ont déjà permis de progresser sur ce terrain. La ségrégation du marché du travail peut aussi expliquer l’écart salarial. Les hommes et les femmes ont encore tendance à occuper des emplois différents. Ainsi, les femmes ne représentent que 29 % des scientifiques et des ingénieurs de l’Union. Elles sont principalement employées comme assistantes administratives, vendeuses ou travailleuses peu ou non qualifiés, dont les salaires sont plus faibles. Les traditions et les stéréotypes interviennent encore largement dans les choix des filières d’enseignement et les tendances en matière d’emploi. Enfin, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée (lire l’article ci-dessous) concerne davantage les femmes. Elles ont plus souvent recours aux interruptions de carrière, avec comme conséquence un parcours professionnel moins rémunérateur et donc une pension moins importante. Les femmes risquent plus que les hommes d’être touchées par la pauvreté.

Autant qu’un collègue

L’élimination de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est pourtant bénéfique à différents niveaux. Il génère une société plus équitable où la cohésion est plus grande. Il donne davantage d’autonomie et d’indépendance financière aux femmes durant leur vie et au moment de la retraite. La suppression de cet écart salarial est également favorable à l’essor des entreprises. Celles qui encouragent l’égalité des salaires créent un meilleur environnement pour tous leurs travailleurs. Cette approche favorise le recrutement et la conservation d’un personnel compétent. Selon les études, l’égalité des sexes contribue aussi à une meilleure rentabilité et renforce la capacité d’innovation.
Face à ces constats, la Commission européenne souhaite réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes dans les cinq années à venir. Elle va donc renforcer la sensibilisation auprès des employeurs, encourager les initiatives destinées à promouvoir l’égalité entre les sexes et soutenir la mise au point d’outils permettant de mesurer l’écart de rémunération entre hommes et femmes. Exemple : une nouvelle calculatrice en ligne permettra aux employés et à leurs employeurs de se représenter l’écart de rémunération existant entre les hommes et les femmes. La Commission va consulter les partenaires sociaux européens pour évaluer l’impact des solutions envisageables telles que la mise en place de sanctions, davantage de transparence et le compte rendu régulier de l’évolution des écarts de rémunération. Autant d’initiatives qui devraient permettre à une femme de donner cette réponse à la question « Combien tu gagnes ? » : « Autant que mon collègue masculin ! »

D’abord un problème de société

Les inégalités salariales en trois questions à Jean-François Krenc, conseiller UCM matières sociales et emploi.

– Quelles sont les causes de l’écart salarial entre hommes et femmes ?
– Il y a tout d’abord une réalité sociologique dont il faut tenir compte. La femme assume généralement davantage les responsabilités familiales. Elle privilégie, par conséquent, dans sa négociation salariale, une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, au détriment d’une augmentation barémique. Par contre, l’homme examinera en priorité le salaire net et les avantages connexes. Cependant, examiner l’égalité de traitement entre les sexes sous le seul prisme de la fiche de paie est un peu réducteur. Si, a priori, un collègue masculin promérite 200 euros brut en plus par mois, cela n’implique pas pour autant que la femme soit lésée. Elle a peut-être pu négocier du télétravail ou des horaires flexibles. À ses yeux, cette qualité de vie équivaut largement à l’augmentation.

– Comment enrayer l’écart salarial entre les sexes ?
– Il faudrait passer par une mutation sociologique où l’homme s’implique autant que la femme dans l’organisation familiale. Si les hommes s’investissent davantage dans leur vie familiale, ils cesseront d’être plus disponibles que les femmes dans leur vie professionnelle et, dans la foulée, les différences de traitement s’amoindriront. Cette tendance est déjà en marche. De plus en plus de pères recourent au congé de paternité, congé parental, crédit-temps pour s’occuper, à égale mesure, de l’éducation des enfants. Par ailleurs, la ministre de l’Emploi, Joëlle Milquet (CDH), envisage d’intégrer dans le bilan social des entreprises des données plus précises relatives aux rémunérations, visant à objectiver les écarts salariaux et les réduire à néant d’ici 2015. Enfin, le passage récent des barèmes à la compétence ou les diverses lois et conventions collectives visant à lutter contre les discriminations sont autant d’outils susceptibles de réduire ces écarts.

– Comment les employeurs accueillent-ils les initiatives européennes de sensibilisation en la matière ?
– Reconnaissons que l’Europe a toujours joué un rôle moteur sur le sujet. Les recommandations et directives européennes sont transposées en droit belge. L’UCM plaide pour une autonomie totale de la concertation sociale sur ces sujets. Si l’on ne peut que souscrire à l’objectif d’équité en matière de rémunérations, il ne faut pas voir le mal partout : des inégalités de salaires peuvent être délibérées au profit d’une augmentation qualitative des conditions de travail. La sagesse des partenaires sociaux conduira à l’érosion des injustices avérées. La Belgique figure d’ailleurs parmi les bons élèves en matière d’égalité entre hommes et femmes dans les relations de travail.